En arrivant

Dans les premiers siècles du Christianisme, un synonyme de l’Église (l’Ecclesia, l’assemblée appelée, convoquée) fut : la Fraternité. Avec un F majuscule, comme pour un substantif. Le mot était inventé ! Il n’avait pas d’équivalent dans le vocabulaire antique, même celui des philosophes, qui connaissaient bien sûr la ‘’fraternité’’ mais comme vertu. Les premières communautés avaient très vite intégré les trois niveaux de fraternité que suscite Jésus, le Christ. Le lien, l’attachement à Lui en tout premier lieu. Saint Paul ne dit-il pas qu’il est « l’aîné d’une multitude » qu’il entraîne, dans son sillage, vers le Père. Il est donc le frère aîné de chacun de ses disciples. Sans cet attachement fraternel de chacun au Christ, pas de communauté qui s’engendre. Ce lien, le disciple constate qu’il le partage avec d’autres. Ils deviennent ainsi ses frères, dans l’incroyable diversité de leurs sensibilités et cultures. C’est la naissance de l’Église qui s’enfante du Ressuscité interpelant Marie-Madeleine «va trouver mes frères» pour leur annoncer qu’Il est désormais le Vivant. Enfin, la fraternité ainsi naissante, joyeuse du lien avec ce Frère aîné d’une multitude, ne peut oublier le reste de l’humanité, et va dès lors témoigner, enseigner, prier, prendre soin, pour favoriser l’adhésion de chacun. L’Élan missionnaire est né.

C’est toujours une petite appréhension pour un pasteur, de savoir ce qu’il va trouver en arrivant lors d’une nouvelle nomination. Une assemblée dominicale ? Ou « La Fraternité », la communauté ecclésiale, consciente de son attachement vivant, de son lien au Seigneur, qui la fait vivre et la fait naître sans cesse. La vie baptismale. On demande à un curé de quitter la communauté dont il avait la charge tous les six ans, en France. Pour éviter tout enkystement. Tous les six ans nous sommes donc appelés à quitter notre « zone de confort » : ce que nous savons faire, et que parfois nous faisons même bien. Personnellement j’aime faire confiance à la parole du Seigneur affirmant que quiconque aura quitté une famille, un père, une mère, des frères et des soeurs pour le suivre, Lui, retrouvera au centuple, mère, frères, soeurs…

Cet été, la lettre de notre pape à tout le peuple de Dieu fut pour moi une immense joie. Il n’était plus question d’évoquer « simplement » si je puis dire, notre honte, notre horreur devant les crimes commis par des consacrés. Il ne s’agissait même pas de répéter que toutes les mesures seraient désormais prises pour que les silences coupables n’existent plus. Il ne s’agissait pas de laisser entendre qu’il était question de mesures à prendre au sein du clergé essentiellement. il s’agissait désormais d’analyser. Et le pape n’a pas manqué sa cible : « le cléricalisme ». Cette attitude parfaitement antiévangélique qui consiste à placer une soi-disant élite au-dessus de tout soupçon, de toute critique, de tout regard distancié. De la sacraliser en quelque sorte. Avoir laissé, à l’intérieur de l’Église, accaparer le savoir, le pouvoir, la mission, par un petit groupe, celui des consacrés. Et le pape de renchérir en appelant l’ensemble de l’Église à une conversion. Car si le cléricalisme se limitait à la sphère des consacrés, cela se saurait. Les baptisés eux-mêmes peuvent induire, dans leur rapport au prêtre, ou dans leur manière d’être, cette attitude détestable de se croire détenteurs de la grâce divine, du Salut de l’humanité, de la
vérité évangélique.

Depuis plusieurs années, je répète aux paroissiens cette phrase lue dans l’ouvrage d’un prêtre sociologue : « nous passons d’une Église cléricale à une Église ecclésiale. » La communauté des baptisés est la réalité première. C’est elle que je sers, je l’espère, par mon ministère.

Comptez sur moi pour vous inciter toujours, encore et encore à vous approprier la vie de la communauté de Saint Louis des Français. À vous en rendre responsables. À vous mettre à son service. Pas à celui du prêtre – ce n’est pas moi que aidez – mais à celui de La Fraternité, du corps vivant du Seigneur, démultiplié en chacun de vous par la grâce de l’Esprit. Vous en êtes le Temple vivant. À faire en sorte que cette maison, cette église, soit la vôtre. Qu’elle devienne un lieu que vous habitez, entretenez, dont vous vous souciez qu’il soit ouvert et accueillant pour recevoir les frères. Je ne serai jamais autant à ma place de pasteur que si vous êtes à celle de baptisés, entièrement, pleinement. Il n’y a qu’un Grand Prêtre, Jésus, le Christ. Il nous a libéré du fardeau le plus convoité et le plus terrible, qui nous ligote, nous stresse, nous enferme et nous tue : le pouvoir sur l’autre ! « Les Grands de ce monde… Parmi vous, qu’il n’en soit pas ainsi ! »

Dimanche prochain, le 16 septembre, je vous proposerai que chacun, à sa mesure, selon ses disponibilités, mais avec coeur et générosité, revête le tablier de service : préparer les liturgies dominicales, animer le chant, catéchiser les enfants, rejoindre les adolescents dans l’aumônerie, fleurir notre église, préparer les apéritifs qui nous permettent de faire durer notre joie de nous retrouver le jour du Seigneur, compter les quêtes, animer le groupe des servants d’autel et veiller à l’entretien de leurs affaires, s’occuper de la sacristie et préparer l’église chaque dimanche avant l’arrivée des fidèles… etc. Chacun ne peut assurer un service qui le tienne chaque dimanche, j’en ai bien sûr conscience. C’est bien pour cela qu’il faut des équipes pour que plusieurs puissent se passer le relai.

Merci à chacun de vous pour votre accueil amical et déjà pour les invitations. Merci à celles et ceux déjà investis dans le service. « On amena un sourd qui avait des difficultés à Jésus », nous a dit l’Évangile de ce jour. Cela résume fort bien notre mission. Amener à Jésus, Parole du Père en chacun de nous, nos contemporains : les enfants, du caté, les jeunes, nos connaissances… tout un peuple sourd à ce qui essaie pourtant de se dire en chacun mais à qui l’on n’a pas appris à écouter. Un peuple qui a tant de mal à trouver les mots, à parler pour dire son désir profond. Tout un peuple à qui Jésus souhaite pourtant dire : « Effata ! » Ouvre-toi.