Qui veut servir ?

4ème dimanche de Pâques
22 04 18

Le 4ème dimanche de Pâques, la liturgie donne à lire un extrait du chapitre 10 de Jean, l’allégorie du bon pasteur. C’est aussi, depuis 55 ans je crois, la journée de prière pour les vocations, entendons les vocations de prêtres.
N’est-il pas curieux que l’on attribue le titre de pasteurs aux prêtres ? Dans le Premier Testament, devant l’incurie des prêtres, Dieu avait décidé qu’il serait lui-même le seul et unique pasteur de son peuple. Pour Jésus, s’il y a un pasteur du peuple de Dieu rassemblé, c’est lui. Jésus se range du côté du Père et prévient contre tous les autres qui ne sont que des mercenaires intéressés ou non fiables.
Le verset qui précède immédiatement notre texte (Jn 10, 11-18), et dont on ne sait pourquoi on nous en prive, ne peut être attribué qu’à Jésus. Il dit le sens de sa mission, de son pastorat : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance ». La mission de Jésus n’est pas de faire des disciples, mais que les hommes aient la vie par lui, et l’aient en abondance. Voilà ce que personne d’autre que lui ne peut offrir.
Il est vrai, le chapitre 21 de Jean, plus tardif que les reste de l’évangile, fait de Pierre un pasteur. Le pécheur qui a renié a pour charge de paître les brebis (le mot de pasteur n’est cependant pas employé). Mais n’est-ce pas chaque disciple qui s’appelle Pierre, pécheur pardonné, pierre vivante avec laquelle Jésus construit en trois jours le temple de son corps ?
Le pastorat pour parler des évêques d’abord, puis aussi des prêtres, se repère par exemple chez Augustin, au début du 5ème siècle. Peut-on encore parler ainsi ? N’est-ce pas chaque chrétien qui par le baptême a été configuré au Christ, chargé d’annoncer l’évangile par toute sa vie ? A la différence de ce que pouvait dire le Bienheureux Antoine Chevrier, dans la seconde moitié du 19ème siècle, ce n’est pas le prêtre qui est un autre Christ, alter Christus, mais tout baptisé (dont les prêtres). Le concile Vatican II, développant l’appel universel à la sainteté souligné la dignité du baptême. Et bien lui en a pris. Les crimes du clergé ces dernières décennies, tant les affaires crapuleuses voire mafieuses à Rome que la pédophilie discréditent tellement le clergé que l’on ne voit plus comment parler de pasteurs.
Il est curieux que personne ne désigne les ministres par le terme de « pêcheurs d’hommes », expression de Jésus lui-même pour désigner ses compagnons. Pasteur, terme réservé au Christ par l’évangile, est en revanche repris. Il faudrait réfléchir à ce point.
On nous dit que l’on manque de prêtres, en un refrain incantatoire. Jamais on ne dit pourquoi ni de combien on aurait besoin. On est installé dans un discours évident de la pénurie que personne ne discute, qui ruine le moral, comme si, jusqu’à la consommation des siècles, on manquera de prêtres.
Il faut dans notre Eglise un mode de gouvernement, assurément (je ne prends faute de temps que cet aspect du pastorat). Doit-il être le fait de vocations spécifiques ? Peut-être bien. Mais à deux conditions qui ne sont à peu près jamais respectées, d’où la crise de confiance envers les pasteurs.
Premièrement, on ne pourra être pasteur qu’à être au service. C’est le ministère qui définit le pastorat, et non le pouvoir. Pour tout disciple, et pour les pasteurs aussi, valent les mots de l’évangile. « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations dominent sur elles en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, sera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous, sera l’esclave de tous. »
De sorte que, et c’est la seconde condition, gouverner n’est pas décider à la place des autres mais permettre à ce que tous soient associés à la prise de décisions. On peut dire qu’on en est loin quand on voit qu’il n’y a institutionnellement aucun contre-pouvoir dans les diocèses ; les évêques peuvent être, et sont souvent, des autocrates, et il n’y a rien à dire. Chaque baptisé doit pouvoir être associé à la conduite de la mission de l’Eglise.
Dans une société comme la nôtre où réussir sa vie signifie réussir dans la vie, avoir une bonne situation financière et professionnelle, il ne peut qu’y avoir crise des vocations. Qui veut servir ? Voilà la question. C’est une chance que plus personne ne croie au prestige du clergé. Pour conserver un privilège, certains confisquent et défigurent le ministère en en faisant une chose sacrée. La seule question est « Qui veut servir ? » et cette question a de l’avenir, non seulement dans l’Eglise, mais aussi dans le monde, si l’on veut arrêter de marcher sur la tête et laisser les puissants n’en faire qu’à leur tête. La journée de prière pour les vocations spécifiques a du sens pour le monde, et donc pour l’Eglise : « Qui veut servir ? »

  • Seigneur, nous te prions pour l’Eglise, servante de l’amour du Père pour tous les hommes. La tenue de service est sa vocation. Comment pourrait-elle témoigner de toi qui es venu pour servir et non pour être servi, si elle se présente comme mère et maîtresse ?
  • Seigneur, nous te prions pour le monde, que le Père a tant aimé, au point de t’envoyer non pour le juger, mais pour qu’il soit sauvé. Qu’il se construise comme une maison pour tous. Que les pauvres et les pécheurs, que tu aimes, soient enfin servis par les plus riches et capables.
  • Seigneur, nous te prions pour l’ensemble de nos concitoyens appelés aux urnes une nouvelle fois.
  • Seigneur, donne-nous de savoir être, jour après jour, au service de ceux que nous rencontrons.