Comment entendre la parole de Dieu ?

(Après la messe des familles de janvier animée par les CE2 d’Alcobendas.)

Que serait la foi si Dieu ne s’adressait pas à nous ? Il n’y aurait pas de foi chrétienne si l’initiative ne venait de Dieu. Avec Jésus et le peuple Juif, ce n’est pas l’homme qui cherche à plaire à Dieu, à se le concilier ou à éviter ses fureurs. C’est lui qui a souci de nous, qui est pris aux tripes par nos vies. « Quelle grande nation a des dieux qui s’approchent d’elle comme le Seigneur notre Dieu le fait chaque fois que nous l’appelons ? » (Dt 4, 7) « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils. » (1 Jn 4, 10)
Il importe donc de pouvoir entendre Dieu, de l’entendre pour pouvoir lui répondre. Nous le savons tous, Dieu, cependant, ne parle pas. Il ne parle pas comme nous parlons. Et si les Ecritures le mettent en scène comme un locuteur, chacun sait que l’on ne peut pas prendre leurs récits au premier degré. (Dieu n’appelle pas comme cela est raconté de Samuel ou d’Abraham, par exemple.)
Il est évident que la parole de Dieu ne s’entend pas. Le psaume le dit : « Pas de parole dans ce récit, pas de voix qui s’entende » (Ps 19, 4). La parole ne s’entend pas, mais elle s’écoute ou se regarde. Il faut être attentif. On ne risque pas d’écouter si l’on est toujours dans le bruit, les décibels ou les activités qui obstruent les sens. Le prologue de la règle de saint Benoît nous invite : « Ecoute mon fils, tends l’oreille de ton cœur. »
Suffira-t-il d’ouvrir les Ecritures ? Ne sont-elles pas la parole de Dieu ? Elles en sont plutôt le support. C’est en les lisant, les étudiant, les méditant, seul ou à plusieurs, toujours en Eglise, que s’élève d’elles une parole dont elles ne sont que la trace. Les Ecritures, pour les Juifs comme pour les chrétiens, ne sont pas une parole dictée. Elles réclament un double travail interprétatif, et du texte et de nos vies. Il convient de les lire comme si elles racontaient nos histoires. C’est bien pour cela qu’elles sont pleines de violence, de rêves, de fantasmes, mais aussi de réalisme, de douceur et de consolation.
Si l’homme est à l’image de Dieu, si ce monde est sa création, alors la trace de son passage s’y trouve aussi. De la société et la vie des hommes, des « signes des temps » et du grand livre de la nature, des joies et des peines, des espoirs et des angoisses s’élèvent une parole de Dieu pour qui voudra bien lire. Par nos vies, sans même parler, nous pouvons dire sa parole. N’est-ce pas ce que nous constatons évidemment dans la vie de certains, pas seulement les saints, mais croyants ou non, chrétiens ou non, qui ouvrent le monde à la vie ?
On pourra ne rien entendre à tout cela. Commet la vie des hommes parlerait-elle de Dieu ? Comment ces Ecritures d’un autre temps parleraient-elles de Dieu ? Entre ceux qui prennent la Bible pour un coup de fil du divin et ceux qui la méprisent comme sornette et superstition, le chemin est étroit. Pour écouter la parole, il faut s’engager. C’est un peu comme avec les nouveau-nés. Vous ne pouvez les comprendre si vous ne vous livrez pas à l’aventure d’une communication qui s’élabore à être pratiquée.
Pour écouter la parole de Dieu, il faut s’engager. Effectivement Dieu ne parle pas. Mais si nous essayons de vivre comme Jésus, de le suivre, alors les Ecritures racontent notre histoire, alors il est la parole que Dieu nous adresse. Jean de la Croix expliquait le silence de Dieu aujourd’hui par le fait que Dieu n’avait plus rien à dire puisqu’il nous avait tout dit en son fils. Pas sûr ! Lorsque ce que l’on a à dire c’est l’amour, il faut toujours le redire. Que seraient nos amours et amitiés si elles ne se disaient pas, ne prenaient le temps de se redire ?
Faire comme Jésus, le suivre, c’est répondre à son appel. Et si nous répondons, c’est qu’il y a une parole, la sienne, qui appelle. C’est en répondant par toute notre vie à l’appel de Dieu à vivre comme son fils que l’on écoute sa parole, non comme un message envoyé par sms ou coup de tonnerre, téléphone de l’au-delà ou ventriloquie divine. Toute la vie, toute vie parle de Dieu pour qui sait, avec et pour les autres, faire de ce qui arrive l’occasion d’une suite du Christ, d’une réponse à son appel à le suivre.