Humanisme ou foi chrétienne

30ème dimanche
29 10 17

Si l’amour de Dieu et celui du prochain sont deux commandements, ils n’en font pas moins, dans la bouche de Jésus, un seul et même. Les conséquences sont d’importance. On entend que la foi n’est pas un humanisme, l’Eglise une ONG. Mais que veut-on dire ? Faudra-t-il pour dire notre foi la distinguer de l’amour du prochain ? Faudra-t-il qu’il y ait quelque autre chose, et sans doute plus grand, qui la spécifie ?
Dans ces versets (Mt 22,34-40) se dit la révolution évangélique, la sortie même de la religion, qui en elle-même aurait son but. L’attachement à Dieu est mensonge si le frère est haï, molesté ou seulement ignoré. A ses filles en prière, Vincent de Paul le dit : lorsqu’un pauvre sonne à la porte, allez ouvrir. « Vous quittez Dieu pour Dieu. »
Que nous quittions Dieu et cessions la prière va de soit alors que l’on sort de la chapelle et vaque au service d’autrui. Mais cet autrui, comme l’étranger reçu par Abraham à Mambré, repris à la fin du chapitre 25 de Matthieu, pourrait bien être le Seigneur même. « Vous quittez Dieu pour Dieu. » Le commandement de l’amour du frère est semblable au premier commandement.
J’entends l’objection. Mais alors il ne serait plus nécessaire de prier, de se recueillir et de lire les Ecritures ? Quelle drôle d’idée ! Faut-il que cela nous pèse, nous casse les pieds pour songer un instant nous en dispenser ? C’est nous qui introduirions une concurrence entre l’amour de Dieu et celui du prochain comme si, le temps manquant, il faudrait choisir. Mais puisqu’il n’y a plus à choisir ‑ les deux commandements étant semblables ‑ pourquoi les opposer ?
Le service des frères est volonté de Dieu. Peut-être même plus que la prière. Car avec les dévotions, il est facile de se leurrer. On imagine la chaleur des sentiments, on s’accroche à une protection, bénédiction. On y trouve une paix que le simple silence en nos vies bruyantes, la seule déconnection de nos mobiles, suffisent à nous procurer.
Certains savent que la prière est une exigence qui refuse ces facéties. Ils sont plus critiques ou simplement n’ont jamais trouvé de plaisir aux oraisons, ont trop souvent été agacés par les liturgies. Alors que le pentecôtisme gagne le christianisme, y compris dans nos communautés catholiques, ils deviennent minorité ou sont désignés, parfois par eux-mêmes, comme mauvais croyants, puisqu’ils ne ressentent rien de ce que les autres disent.
Dans notre monde que l’on dit froid, anonyme ‑ mais à qui la faute lorsque nous sommes sans cesse « connectés » ? ‑ la chaleur d’une communauté apparaît indispensable pour vivre sa foi. Bien sûr ! L’on ne peut prêcher l’amour du prochain et ignorer le frère assis juste à côté alors qu’on célèbre l’eucharistie. Mais avant de chercher l’ambiance qui conviendrait, nous sommes-nous salués en entrant dans cette église ? Nous sommes-nous installés dans un coin pour être tranquilles ? Comment vouloir la chaleur d’une communauté sans nous livrer à une fraternité réelle, et non virtuelle ?
Le service du frère est moins susceptible de ces contradictions. La fidélité, la continuité, est son épreuve de vérité. Se tenir là pour l’autre, faire en sorte que tout homme puisse en nous trouver un prochain. Quand bien même nous en tirerions fierté, l’engagement fidèle et continue ne trompe pas. Ne pas choisir l’ami, celui qui pourrait le devenir, celui qui nous ressemble, pense comme nous, vit comme nous, mais recevoir le frère souvent si différent. On choisit ses amis, pas ses frères. On choisit ses amis ; ses frères, on les reçoit.
Ce souci, ce soin d’autrui, qui reconnaît en chacun précisément un frère, et non un étranger, un rival, un ennemi, un quidam, pourrait-il ne pas indiquer, comme en son prolongement, un père de tous les hommes, un père qui engendre tant de fils et filles, un père qui donne des frères ? Et accueillir le frère est déjà, aussi, même si l’on n’en sait rien, évidemment si l’on est disciple de Jésus, rendre hommage au Père. On ne peut craindre d’être trop humaniste dès lors que l’on sert le frère, parce que c’est le commandement du Seigneur. Après avoir lavé les pieds des disciples, il ajoute : c’est un exemple que je vous ai donné pour que vous aussi fassiez de même.
Pour ne pas en rajouter à ce qui agresse certains d’entre nous, je me garde de dire un mot sur la première lecture (Ex 22, 20-26). Nous réentendrons seulement ses paroles. Dans le contexte actuel, on les croirait écrites aujourd’hui même. Mais avant, une note dans l’esprit de l’actuel évêque de Rome, qui agace aussi passablement. Contre le péché, il convient sans cesse de luter. C’est une chose entendue, n’est-ce pas ? Mais l’on devra penser que les plus graves ne sont pas les plus charnels. Et le mépris des frères, la violence à leur égard, la complicité, même par le silence avec ceux qui les tuent et agressent, est infiniment plus grave.
Ainsi parle le Seigneur : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas, car vous étiez vous-mêmes des immigrés au pays d’Égypte. Vous n’accablerez pas la veuve et l’orphelin. Si tu les accables et qu’ils crient vers moi, j’écouterai leur cri. »

  • On date du 31 octobre 1517 les 95 thèses de Luther dont on fait rétrospectivement l’acte premier de la Réforme de Luther. Cela fera 500 ans après demain. Ce dimanche les protestants français étaient rassemblés à Strasbourg. Pour l’unité dans ton Eglise, qui est dialogue des différences et non uniformité, nous te prions Seigneur.
  • Les divisions du XVIème siècle et les guerres de religions demeurent une déchirure et un scandale de violence et d’intolérance. Elles sont aussi la conséquence de l’infidélité de l’Eglise romaine à l’évangile. Pour la réconciliation dans ton Eglise, pour la connaissance mutuelle par chacun d’entre nous, nous te prions Seigneur.
  • La mise à disposition de tous les baptisés des Ecritures est une nécessité pour notre vie chrétienne, une source féconde, comme en témoignent par exemple les cantates de Bach. Pour la beauté qui cherche à dire la vérité de la foi, nous te rendons grâce Seigneur. Pour que nous ne cessions de lire et méditer ta parole, nous te prions, Seigneur.
  • Nous fêtons la Toussaint. Seule ta grâce nous rend saints comme tu es saint, Seigneur. C’est ce que redécouvre Luther et qui le conduit sur les chemins de la vie dans l’Esprit, de sa vie de disciples. C’est désormais et de nouveau la foi commune des catholiques, des luthériens, des méthodistes et des réformés. Pour le partage d’un même et unique baptême, d’une même foi, nous te rendons grâce Seigneur.
  • Ce qui nous sépare encore, nous te supplions Seigneur, de nous en débarrasser en nous convertissant pour que nous puissions bientôt partager ensemble le pain et le vin de l’eucharistie.