Les ouvriers de la onzième heure, Dieu se donne

25ème dimanche du temps (24 09 17)

La parabole des ouvriers de la onzième heure ne peut être entendue par les chrétiens depuis que LA religion, c’est le christianisme. Nous, bons catholiques ‑ cela va sans dire, comment ne serions-nous pas bons catholiques ? ‑ nous identifions spontanément aux bons ouvriers, ceux qui sont à travailler dès la première heure du jour, ou au moins la troisième. Evidemment, nous ne sommes pas de ceux qui arrivent au dernier moment pour n’avoir qu’une une heure à faire ! D’ailleurs, n’avons-nous pas été baptisés tout petits, n’avons-nous pas tout fait ?
Or si nous nous identifions aux bons ouvriers, c’est fini, la porte de la parabole est fermée, parce que, dans les quelques allusions au texte que je viens de faire, plusieurs inexactitudes ou infidélités se sont glissées. On n’y parle en effet nulle part de bons ouvriers, et partant, on ne peut donc s’identifier à eux. Si nous lisons le texte de travers, il y a peu de chances que nous puissions l’entendre.
Rien ne permet de déterminer la qualité des ouvriers, bons ou mauvais, même si nous sommes portés à le faire, curieusement, à partir de l’heure de l’embauche. Le texte ne donne pas la possibilité de penser que les ouvriers de la première heure sont meilleurs que les autres. Les derniers disent qu’ils n’ont trouvé personne pour les embaucher. Pourquoi ne pas les croire, pourquoi penser qu’ils sont arrivés tard par insouciance ou j’m’en-foutisme, voire inadaptation sociale, que ce sont des tire-au-flanc ou des profiteurs ? Comment auraient-ils pu imaginer la générosité du maître, qui ne s’est engagé à rien avec eux ? S’il se met d’accord avec les premiers pour une pièce d’argent, avec les suivant sur ce qui est juste, rien n’est dit aux derniers qui partent faire une heure de boulot en faisant confiance. Si le maître les a embauchés même tard, il leur donnera au moins un petit quelque chose, histoire de pouvoir manger ce soir.
Un seul est bon dans cette parabole, le maître. Et cette bonté risque de rendre mauvais l’ouvrier porte-parole de ceux de la première heure, ceux auxquels nous nous identifions, que spontanément nous pensons bons ouvriers : « Ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? » Lue ainsi, la parabole tourne à l’opposition, au conflit, entre le maître et les ouvriers de la première heure, les premiers seront les derniers, à cause de la bonté du maître. Si nous voulons poursuivre notre distribution de bons points et nous juger premiers de la classe, nous risquons de nous entendre dire que nous observons le monde avec un regard mauvais, que nous sommes mauvais.
Ce n’est peut-être pas un scoop. Dès lors que nous avons LA bonne religion, forcément les autres ne l’ont pas, sont à côté de la plaque, dans l’erreur. Il n’y a qu’à voir comment l’Eglise juge le monde alors même qu’elle proclame avec l’évangile que « Dieu a envoyé son fils dans le monde, non pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Si nous étions un peu moins sûrs de nous, nous aurions pu envisager la parabole autrement, depuis les ouvriers qui reçoivent le denier, comme les autres.
Appelés les premiers (le renversement évangélique est déjà à l’œuvre), sans doute pouvaient-ils penser que leur sort serait vite réglé, une piécette. Et là, quelle surprise ! La profusion. La profusion de la bonté. Evidemment, ce n’est pas une récompense, une rétribution au mérite. Le denier ne dit rien ou si peu de leur travail, mais dit tout du maître. Il donne tout. Il donne tout pour les autres.
Mais nous, qui sommes disciples depuis si longtemps, fidèles depuis si longtemps, il semble que cela nous casse tellement les pieds, que nous ne pouvons plus nous émerveiller, être stupéfaits de la générosité du maître qui donne tout, à nous aussi. Nous sommes comme Jonas, scandalisés que Dieu soit aussi bon pour les autres que pour nous. Nous voulons plus que les autres même si cela venait à regarder Dieu avec un œil mauvais. Nous sommes tellement conscients de notre valeur, de ce que nous méritons rétribution, que la loi avec Dieu, ce n’est pas l’amour mais la rétribution, que nous ne voyons pas que le maître en ce denier, LE denier, a tout donné, lui-même. Nombre de manuscrits porte l’article défini, « ils reçurent le denier », pourtant quasi jamais rendu, comme si les traducteurs ne lisaient pas les textes mais refilaient, sans doute à leur insu, le sentiment commun de ne pas être des derniers.
Quand Dieu donne, il donne tout, lui-même. C’est comme cela en amour. Dieu ne se donne pas à moitié. Et le christianisme n’est pas une religion, LA religion. Il ne s’y agit pas de récompense, ni même d’échange, mais seulement de gratuité, d’amour. Dieu ne donne pas des récompenses ou des trucs, des grâces. Quand Dieu donne, il donne tout, il se donne lui-même.

  • Vendredi, recevant les délégués aux migrants des conférences épiscopales d’Europe, le Pape n’a pas caché sa « préoccupation face aux signes d’intolérance, de discrimination et de xénophobie qui se rencontrent dans différentes régions de l’Europe », dus à « la défiance et la peur envers l’autre le différent, l’étranger », sous prétexte du « devoir moral de conserver l’identité culturelle et religieuse originelle ». Tout cela est contradictoire avec le principe même du catholicisme. Seigneur, ouvre notre cœur, qu’il soit vraiment catholique, ouvert à tous.
  • L’indépendance réclamée ou contestée de la Catalogne secoue violemment la société espagnole. Seigneur, que des artisans de paix permettent un vrai dialogue, aussi exigeant soit-il. Que nos démocraties se renouvellent dans la recherche du bien commun et la relativisation de la défense des intérêts particuliers.
  • Après le tremblement de terre au Mexique, les dévastations par les cyclones, nous te confions Seigneur tous ceux qui souffrent en Amérique centrale et aux Caraïbes.
  • Les activités de caté commencent ces jours dans notre paroisse. L’aumônerie ne va pas tarder. Seigneur, que des adultes s’engagent à transmettre et partager la foi avec les enfants et les jeunes. Que la découverte de ta parole et la vie en Eglise soient source de joie, de vie et d’intérêt pour tous.