Pour 2014

Décembre
L’orgueil du chrétien qui sait mieux que tout le monde
« Je ne crois pas l’Eglise capable de se réformer humainement. […] Je ne la souhaite pas parfaite, elle est vivante. Pareille au plus humble, au plus dénué de ses fils, elle va clopin-clopant de ce monde à l’autre monde ; elle commet des fautes, elle les expie, et qui veut bien détourner un moment les yeux de ses pompes, l’entend prier et sangloter avec nous dans les ténèbres. Dès lors, pourquoi la mettre en cause, dira-t-on ? Mais parce qu’elle est toujours en cause. C’est d’elle que je tiens tout, rien ne pourrait m’atteindre que par elle. […] Le monde est plein de misérables que vous [les évêques] avez déçus. Personne ne songerait à vous jeter une telle vérité à la face, si vous consentiez à le reconnaître humblement. Ils ne vous reprochent pas vos fautes. Ce n’est pas sur vos fautes qu’ils se brisent, mais sur votre orgueil. »
G. BERNANOS, Les Grands cimetières sous la lune, 1937, 1 III

(Bernanos, catholique convaincu, se désolidarise de la posture partisane des évêques d’Espagne pendant la guerre civile. Monarchiste et proche des milieux conservateurs, y compris de l’Action Française, il exerce sa liberté de conscience pour faire part du scandale dont il est témoin, sans se faire le moins du monde partisan du camp opposé. Le dernier prix Goncourt s’inspire de son ouvrage.)

Novembre
Chaque baptisé est appelé à être prophète
« Je pense qu’on emploie avec beaucoup d’exagération ce mot de « prophète », comme si seulement un petit nombre de personnes recevaient du Seigneur la responsabilité de le porter. Alors que nous tous, dans l’Eglise, nous avons une mission prophétique. L’Eglise tout entière est appelée à être prophétique, c’est-à-dire à annoncer la parole du Seigneur, et aussi à prêter sa voix aux sans-voix, à faire exactement ce que le Christ, en lisant le prophète Isaïe, proclama être sa mission à lui : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. Il m’a envoyé pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, pour ouvrir les yeux, pour libérer… » C’est toujours la mission de l’Eglise. »
Dom Helder Camara

Octobre
Voir Jésus
« Il me semblait que Jésus Christ se tenait constamment à côté de moi, et comme ce n’était pas une vision imaginative, je ne voyais pas sous quelle forme, mais je le sentais toujours très clairement à ma droite, il était témoin de tout ce que je faisais. […] Immédiatement, j’allais tout dire à mon confesseur, fort affligée. Il me demanda sous quelle forme je le voyais. Je lui dis que je ne le voyais pas. Il me demanda comment je savais que c’était le Christ. Je lui dis que je ne savais pas comment, mais que je ne pouvais pas ignorer qu’il était auprès de moi. »
THERESE DE JESUS, Vie, XXVII, vers 1565

Septembre
Sans l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne
« J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. »
(1ère lettre de Paul aux Corinthiens, vers 55)

Juillet
Prier, se tenir en présence de Dieu
« Dans leur prière, il leur faudrait se tenir en présence du Dieu vivant plutôt que de réfléchir sur quelque idée de Dieu ; plutôt que d’analyser un thème, il conviendrait qu’ils s’arrêtent au mystère de l’Evangile, comme on fait halte auprès d’une source en montagne. On s’assoit, on reste là à souffler un peu, on boit quelques gorgées, on trempe ses mains dans l’eau froide et l’on rafraîchit son visage. On ne fait rien, on ne dit rien ; on est là. »
E. POUSSET, Plus libre dans la chair, écrits spirituels, Paris 2013, p. 28

Juin
Prier, c’est l’amour qui parle
« Je commence à parler au Seigneur tout naïvement, car je m’adresse souvent à lui sans savoir ce que je dis ; c’est l’amour qui parle, et l’âme est si hors d’elle que je ne vois plus la différence qu’il y a entre elle et Dieu. A la pensée de l’amour de Dieu pour elle, l’âme s’oublie, elle croit être en lui comme sa propre chose dont rien ne la sépare, elle dit des folies. […] Oh bonté et grande humanité de Dieu, qui ne considère pas les paroles mais l’accent du désir et de l’amour ! Comment supporte-t-il que quelqu’un comme moi parle si hardiment de Sa Majesté ! Qu’il soit béni à jamais. »
THERESE D’AVILA, Vie XXXIV, 8-9 (1565)

Mai
C’était le bon temps !
« On rencontre des gens qui récriminent sur leur époque et pour qui celle de nos parents était le bon temps ! Si l’on pouvait les ramener à l’époque de leurs parents, est-ce qu’ils ne récrimineraient pas aussi ! Le passé, dont tu crois que c’était le bon temps, n’est bon que parce que ce n’est pas le tien… »
ST AUGUSTIN, Sermon sur les épreuves de ce temps.

Avril
Beaucoup sont dedans qui sont dehors
Dans l’Eglise « je n’ose reconnaître que les saints et les justes, pas les avares, les fourbes, les pillards, les usuriers, les ivrognes et les envieux qui ont pourtant le baptême en commun avec les justes et n’ont évidemment pas la charité en commun avec eux. [… Parmi les baptisés], certains ont la vie de l’Esprit et suivent la voie suréminente de la charité. […] D’autres, par contre, encore charnels et du monde, travaillent sans trêve à leur progrès et, pour devenir capables de la nourriture des spirituels, se nourrissent du lait des saints mystères. […] Il y en a aussi qui mènent une vie scandaleuse ou même traînent dans l’hérésie ou dans des superstitions de païens ; et pourtant, même là, le Seigneur reconnaît les siens. Dans cette ineffable prescience de Dieu, beaucoup de ceux qui paraissent au dehors sont au-dedans et beaucoup de ceux qui paraissent au-dedans sont au dehors. »
Saint Augustin, Le Baptême XXVII,38 (vers 400)

Mars
L’opposition entre « autorités » et « conscience » se préparait de longue date par la tendance à personnaliser la religion et à affranchir le spirituel de ses déterminations sociopolitiques ; le critère de la vérité était mis par les uns dans le savoir, par d’autres dans le vécu, tandis que la hiérarchie ecclésiastique s’en réservait le monopole. […]
La communication [entre tous les niveaux de l’Eglise] implique le pluralisme. Le libre jeu d’une pluralité de témoins et de critères de la vérité, la circulation entre les diverses autorités de la foi : parce que toutes ont en commun de renvoyer à l’unique autorité de la Parole de Dieu, on ne peut parler de « l’autorité de l’Eglise », au singulier, sans la substituer indûment à celle de Dieu.
J. MOINGT, Figures de théologiens, Cerf, Paris 2013, p.88, commentant l’œuvre de M. de Certeau.

Février
Tu dis : j’aime Dieu…
« – Tu dis : Je n’aime que Dieu, Dieu le Père ?
– Tu mens. Si tu l’aimes, tu ne l’aimes pas lui seul, mais si tu aimes le Père, tu aimes aussi le Fils.
– Bien, dis-tu, j’aime le Père et j’aime le Fils : mais eux seuls, Dieu le Père et Dieu le Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ qui est monté au ciel, est assis à la droite du Père : ce Verbe par qui tout a été fait, ce Verbe fait chair qui a habité parmi nous ; voilà seulement ceux que j’aime.
– Tu mens. Si en effet tu aimes la tête, tu aimes aussi les membres ; mais si tu n’aimes pas les membres, tu n’aimes pas non plus la tête.
Ne trembles-tu pas quand tu entends la tête crier du haut du ciel en faveur de ses membres : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » (Ac 9,4) Celui qui persécute ses membres, elle dit qu’il la persécute, elle ; celui qui aime ses membres, elle dit qu’il l’aime, elle.
Quels sont ses membres, mes frères ? Vous le savez déjà : c’est l’Eglise même de Dieu. »
Saint Augustin (+430)

Janvier
L’Eglise : des frères de par le monde
« C’est l’un des charmes de l’Église : elle nous offre des frères et des sœurs à travers le monde entier. Des hommes et des femmes que je ne connais pas mais avec qui je suis déjà en complicité. Car nous avons le même trésor, le même patrimoine, la même famille, le même Père. Je débarque à Quito ou à Conakry : je sais que je vais trouver des sœurs et des frères avec qui prier, des amis que je ne connais pas mais qui m’aiment déjà a priori. Parce que nous sommes frères et sœurs en Christ.
Cela dit, il est parfois plus facile de vivre quelques jours avec des frères et sœurs du bout du monde que supporter chaque semaine les frères et sœurs de notre paroisse ici. La fraternité est exaltante dans la théorie mais éprouvante dans le quotidien. […]
Il s’agit pour moi d’une conversion radicale du cœur et du regard. Voir mon frère et ma sœur avec les yeux de Dieu. Accorder plus d’importance à la générosité des uns et au talent des autres plutôt qu’aux médiocrités trop flagrantes. Alors les frères et les sœurs seront ma joie et ma consolation, mon soutien et mon espérance. Qui sait ? Mes frères et sœurs chrétiens deviendront peut-être même mes amis ? »
Frère Philippe Verdin, o.p.